Le livre 010101 (1971-2015)

Du bibliothécaire au cyberthécaire

Le métier de bibliothécaire change

Selon Olivier Bogros, directeur de la Bibliothèque municipale de Lisieux (Normandie), interviewé en juin 1998, l’internet est «un outil formidable d’échange entre professionnels (tout ce qui passe par le courrier électronique, les listes de diffusion et les forums) (...). C’est aussi pour les bibliothèques la possibilité d’élargir leur public en direction de toute la Francophonie. Cela passe par la mise en ligne d’un contenu qui n’est pas seulement la mise en ligne du catalogue, mais aussi et surtout la constitution de véritables bibliothèques virtuelles.»

L’internet est un outil de diffusion sans précédent. Hervé Le Crosnier, professeur à l’Université de Caen (Normandie), crée en 1993 la liste Biblio-fr à l’intention des «bibliothécaires et documentalistes francophones et [de] toute personne intéressée par la diffusion électronique de l’information documentaire». Cette liste se veut le regard des bibliothécaires et documentalistes sur les questions soulevées par le développement de l’internet, par exemple «la diffusion de la connaissance, l’organisation de collections de documents électroniques, la maintenance et l’archivage de l’écrit électronique». Biblio-fr compte 3.329 abonnés le 20 décembre 1998 et 15.136 abonnés le 20 avril 2007. Une autre liste de diffusion est ADBS-info, gérée par l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS), avec 7.699 abonnés le 20 avril 2007.

Des portails sont créés à l’intention des bibliothèques, par exemple Biblio On Line en juin 1996. Jean Baptiste Rey, son rédacteur et webmestre, relate deux ans plus tard: «Le site dans sa première version a été lancé en juin 1996. Une nouvelle version (l’actuelle) a été mise en place à partir du mois de septembre 1997. Le but de ce site est d’aider les bibliothèques à intégrer internet dans leur fonctionnement et dans les services qu’elles offrent à leur public. Le service est décomposé en deux parties: (a) une partie "professionnelle" où les bibliothécaires peuvent retrouver des informations professionnelles et des liens vers les organismes, les institutions, et les projets et réalisations ayant trait à leur activité; (b) une partie comprenant annuaire, mode d’emploi de l’internet, villes et provinces, etc... permet au public des bibliothèques d’utiliser le service Biblio On Line comme un point d’entrée vers internet.»

Le site web de l’ENSSIB (École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) héberge la version électronique du Bulletin des bibliothèques de France (BBF), une revue professionnelle bimensuelle (tous les deux mois) dans laquelle «professionnels et spécialistes de l’information discutent de toutes les questions concernant la politique et le développement des bibliothèques et des centres de documentation: évolution par secteur, grands projets, informatisation, technologies de l’information, écrits électroniques, réseaux, coopération, formation, gestion, patrimoine, usagers et publics, livre et lecture...» Annie Le Saux, rédactrice de la revue, relate en juillet 1998: «C’est en 1996 que le BBF a commencé à paraître sur internet (les numéros de 1995). (...) Nous nous servons beaucoup du courrier électronique pour prendre contact avec nos auteurs et pour recevoir leurs articles. Cela diminue grandement les délais. Nous avons aussi recours au web pour prendre connaissance des sites mentionnés lors de colloques, vérifier les adresses, retrouver des indications bibliographiques dans les catalogues des bibliothèques...»

Avec cette manne documentaire qu’offre désormais l’internet, que vont devenir les bibliothécaires et les documentalistes? Vont-ils devenir des cyberthécaires, ou bien vont-ils progressivement disparaître parce que les usagers n’auront plus besoin d’eux? La profession s’oriente résolument vers un changement plutôt qu’une disparition, et ceci d’autant plus que le métier de bibliothécaire n'en est pas à sa première transformation.

On a d’abord eu l’apparition de l'informatique, qui permet au bibliothécaire de remplacer des catalogues de fiches sur bristol par des catalogues consultables à l’écran, avec un classement alphabétique ou systématique fait par la machine. En parallèle, l’informatisation du prêt et de la gestion des commandes fait disparaître l’impressionnant stock de fiches et bordereaux nécessaires lors des opérations manuelles. On a ensuite eu l’avènement de l’informatique en réseau, qui permet au bibliothécaire de gérer des catalogues collectifs regroupant dans une même base de données les catalogues des bibliothèques de la même région, du même pays ou de la même spécialité, entraînant du même coup des services facilités pour le prêt interbibliothèques et le regroupement des commandes auprès des fournisseurs. Puis les bibliothèques ouvrent un serveur minitel pour la consultation de leur catalogue, désormais disponible au domicile du lecteur. Ces catalogues sont progressivement transférés sur l’internet, avec une consultation plus souple et plus attractive que sur minitel. Les bibliothèques lancent enfin des sites web qui proposent non seulement le catalogue de leurs collections mais aussi une bibliothèque numérique et un répertoire de liens hypertextes vers d’autres sites, évitant aux usagers de se perdre sur la toile. Mais comment les bibliothécaires vivent-ils eux-mêmes ces changements?

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