Le livre 010101 (1971-2015)

Les Éditions du Choucas sur la toile

Interview d’Alain Bron

Un des succès du Choucas est la publication en 1999 de Sanguine sur toile, deuxième roman d’Alain Bron, dans lequel l’internet est un personnage à part entière. L’année suivante, le roman est disponible en version numérique (PDF) aux éditions 00h00 et reçoit le prix du Lions Club International.

À la fois consultant en systèmes d’information et écrivain, Alain Bron raconte son parcours en novembre 1999: «J'ai passé une vingtaine d'années chez Bull. Là, j'ai participé à toutes les aventures de l'ordinateur et des télécommunications, j'ai été représentant des industries informatiques à l'ISO [Organisation internationale de normalisation], et chairman du groupe réseaux du consortium X/Open. J'ai connu aussi les tout débuts d'internet avec mes collègues de Honeywell aux Etats-Unis (fin 1978). Je suis actuellement consultant en systèmes d'information où je m'occupe de la bonne marche de grands projets informatiques (…). Et j'écris. J'écris depuis mon adolescence. Des nouvelles (plus d'une centaine), des essais psycho-sociologiques (La gourmandise du tapir et La démocratie de la solitude), des articles et des romans. C'est à la fois un besoin et un plaisir jubilatoire.»

Quelle est exactement l’histoire de Sanguine sur toile? Alain Bron raconte à la même date: «La "toile", c'est celle du peintre, c'est aussi l'autre nom d'internet: le web - la toile d'araignée. "Sanguine" évoque le dessin et la mort brutale. Mais l'amour des couleurs justifierait-il le meurtre? Sanguine sur toile évoque l'histoire singulière d'un internaute pris dans la tourmente de son propre ordinateur, manipulé à distance par un très mystérieux correspondant qui n'a que vengeance en tête. J'ai voulu emporter le lecteur dans les univers de la peinture et de l'entreprise, univers qui s'entrelacent, s'échappent, puis se rejoignent dans la fulgurance des logiciels. Le lecteur est ainsi invité à prendre l'enquête à son propre compte pour tenter de démêler les fils tressés par la seule passion. Pour percer le mystère, il devra répondre à de multiples questions. Le monde au bout des doigts, l'internaute n'est-il pas pour autant l'être le plus seul au monde? Compétitivité oblige, jusqu'où l'entreprise d'aujourd'hui peut-elle aller dans la violence? La peinture tend-elle à reproduire le monde ou bien à en créer un autre? Enfin, j'ai voulu montrer que les images ne sont pas si sages. On peut s'en servir pour agir, voire pour tuer.»

Dans le roman, l’internet est un personnage en soi. «Plutôt que de le décrire dans sa complexité technique, le réseau est montré comme un être tantôt menaçant, tantôt prévenant, maniant parfois l'humour. N'oublions pas que l'écran d'ordinateur joue son double rôle: il montre et il cache. C'est cette ambivalence qui fait l'intrigue du début à la fin. Dans ce jeu, le grand gagnant est bien sûr celui ou celle qui sait s'affranchir de l'emprise de l'outil pour mettre l'humanisme et l'intelligence au-dessus de tout.»

Plus généralement, «ce qui importe avec internet, c'est la valeur ajoutée de l'humain sur le système. Internet ne viendra jamais compenser la clairvoyance d'une situation, la prise de risque ou l'intelligence du cœur. Internet accélère simplement les processus de décision et réduit l'incertitude par l'information apportée. Encore faut-il laisser le temps au temps, laisser mûrir les idées, apporter une touche indispensable d'humanité dans les rapports. Pour moi, la finalité d'internet est la rencontre et non la multiplication des échanges électroniques.»

L’internet – et son roman - lui permettront d’ailleurs de retrouver un ami. «À la suite de la parution de mon roman Sanguine sur toile, j'ai reçu un message d'un ami que j'avais perdu de vue depuis plus de vingt ans. Il s'était reconnu dans un personnage du livre. Nous nous sommes revus récemment autour d'une bouteille de Saint-Joseph et nous avons pu échanger des souvenirs et fomenter des projets.»

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