Le livre 010101 (1971-2015)

Amazon, pionnier du cybercommerce

L’expansion internationale

Amazon débute son expansion internationale par l’Europe avant d’aborder le marché canadien puis le marché asiatique (Japon et Chine). Les deux premières filiales européennes sont implantées simultanément en octobre 1998 au Royaume- Uni et en Allemagne. En août 2000, avec 1,8 million de clients au Royaume-Uni et 1,2 million de clients en Allemagne, Amazon lance sa troisième filiale européenne, Amazon France, avec livres, musique, DVD et vidéos (puis logiciels et jeux vidéo en juin 2001), et livraison en 48 heures. À cette date, la vente de livres en ligne en France ne représente que 0,5% du marché du livre, contre 5,4% aux États-Unis.

Amazon a au moins quatre rivaux de taille dans l’hexagone: Fnac.com, Alapage, Chapitre.com et BOL.fr. Le service en ligne Fnac.com s'appuie sur le réseau de librairies Fnac, réparti dans toute la France et les pays avoisinants, et propriété du groupe Pinault-Printemps-Redoute. Alapage, librairie en ligne fondée en 1996 par Patrice Magnard, rejoint le groupe France Télécom en septembre 1999 puis devient en juillet 2000 une filiale à part entière de Wanadoo (ancêtre d’Orange), le fournisseur internet de France Télécom. Chapitre.com est une librairie en ligne indépendante créée en 1997 par Juan Pirlot de Corbion. BOL.fr est la succursale française de BOL.com (BOL: Bertelsmann On Line), lancée en août 1999 par les géants des médias Bertelsmann et Vivendi.

Avec une centaine de salariés, dont certains ont été envoyés en formation au siège du groupe à Seattle, Amazon France s'installe à Guyancourt, en région parisienne, pour l'administration, les services techniques et le marketing. Son service de distribution est basé à Boigny-sur-Bionne, dans la banlieue d'Orléans. Son service clients est basé à La Haye, aux Pays-Bas, dans l'optique d'une expansion future d'Amazon en Europe.

Selon les chiffres publiés en octobre 2000 par Media Metrix Europe, société d'étude d'audience de l'internet, Amazon.fr reçoit 217.000 visites uniques en septembre 2000, juste devant Alapage (209.000 visites) mais loin derrière Fnac.com (401.000 visites). Suivent Cdiscount.com (115.000 visites) et BOL.fr (74.000 visites). Contrairement à leurs homologues anglophones, les librairies en ligne françaises ne peuvent se permettre les réductions substantielles proposées par celles des États-Unis ou du Royaume-Uni, pays dans lesquels le prix du livre est libre. Si la loi française sur le prix unique du livre (dénommée loi Lang, du nom du ministre de la culture à l'origine de cette loi) laisse peu de latitude, à savoir un rabais de 5% seulement sur ce prix, Amazon reste toutefois optimiste sur les perspectives d’un marché francophone.

Interrogé par l'Agence France-Presse (AFP) sur la loi Lang, Denis Terrien, président d'Amazon France (jusqu'en mai 2001), répond en août 2000: «L'expérience que nous avons en Allemagne, où le prix du livre est fixe, nous montre que le prix n'est pas l'élément essentiel dans la décision d'achat. C'est tout le service qui est ajouté qui compte. Chez Amazon, nous avons tout un tas de services en plus, d'abord le choix - nous vendons tous les produits culturels français. On a un moteur de recherche très performant. En matière de choix de musique, on est ainsi le seul site qui peut faire une recherche par titre de chanson. Outre le contenu éditorial, qui nous situe entre un magasin et un magazine, nous avons un service client 24 heures/24 7 jours/7, ce qui est unique sur le marché français. Enfin une autre spécificité d'Amazon, c'est le respect de nos engagements de livraison. On s'est fixé pour objectif d'avoir plus de 90% de nos ventes en stock.»

Admiré par beaucoup, le modèle économique d’Amazon a de nombreux revers en matière de gestion du personnel, avec des contrats de travail précaires, de bas salaires et des conditions de travail laissant à désirer. Malgré la discrétion d'Amazon à ce sujet, les problèmes commencent à filtrer. En novembre 2000, le Prewitt Organizing Fund et le syndicat SUD-PTT Loire Atlantique débutent une action de sensibilisation auprès des salariés d'Amazon France pour de meilleures conditions de travail et des salaires plus élevés. Ils rencontrent une cinquantaine de salariés travaillant dans le centre de distribution de Boigny-sur-Bionne. SUD-PTT dénonce dans un communiqué «des conditions de travail dégradées, la flexibilité des horaires, le recours aux contrats précaires dans les périodes de flux, des salaires au rabais, et des garanties sociales minimales». Une action similaire est menée dans les succursales d'Amazon en Allemagne et en Grande-Bretagne. Patrick Moran, responsable du Prewitt Organizing Fund, entend constituer une Alliance of New Economy Workers (Alliance des travailleurs de la nouvelle économie). De son côté, Amazon riposte en diffusant des documents internes sur l'inutilité de syndicats au sein de l'entreprise.

Après le marché européen, Amazon aborde le marché asiatique. Lors d'un colloque international sur les technologies de l'information en juillet 2000 à Tokyo, Jeff Bezos annonce son intention prochaine d'implanter Amazon au Japon. Il présente le marché à fort potentiel de ce pays, avec des prix immobiliers élevés se répercutant sur ceux des biens et services, si bien que le shopping en ligne est plus avantageux que le shopping traditionnel, avec des livraisons à domicile faciles et peu coûteuses. Un centre d'appels est ouvert en août 2000 dans la ville de Sapporo, sur l'île d'Hokkaido. La filiale japonaise débute ses activités trois mois plus tard, en novembre 2000. Amazon Japon, quatrième filiale du géant américain (après le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) et première filiale non européenne, ouvre ses portes virtuelles avec un catalogue de 1,1 million de titres en japonais et 600.000 titres en anglais. Pour réduire les délais de livraison et proposer des délais de 24 à 48 heures au lieu des six semaines nécessaires à l'acheminement des livres depuis les États-Unis, un centre de distribution de 15.800 m2 est créé dans la ville d'Ichikawa, située à l'est de Tokyo.

En novembre 2000, entre la maison-mère et ses quatre filiales, Amazon compte 7.500 salariés, 28 millions d’articles et 23 millions de clients. À la même date, Amazon débute l'embauche de personnel bilingue anglais-français dans le but de lancer une antenne canadienne avec vente de livres, musique et films (VHS et DVD). (Amazon Canada, cinquième filiale de la société, voit le jour en juin 2002 avec un site bilingue.) Toujours en novembre 2000, Amazon ouvre son eBookStore, à savoir sa librairie numérique, avec mille titres disponibles au départ (voir plus bas la section qui lui est consacrée).

Comme les autres entreprises internet, Amazon doit faire face aux secousses de la «nouvelle» économie. Suite à un quatrième trimestre déficitaire en 2000, un plan de réduction de 15% des effectifs entraîne en janvier 2001 1.300 licenciements aux États-Unis et 270 licenciements en Europe (sur un effectif européen de 1.800 salariés). Le service clientèle de La Hague (Pays-Bas) ferme et les 240 salariés qu'emploie ce service sont «transférés» dans les centres de Slough (Royaume-Uni) et de Regensberg (Allemagne).

Amazon opte ensuite pour une plus grande diversification de ses produits et décide de vendre non seulement des livres, des vidéos, des CD et des logiciels, mais aussi des produits de santé, des jouets, des appareils électroniques, des ustensiles de cuisine et des outils de jardinage. En novembre 2001, la vente des livres, disques et vidéos ne représente plus que 58% du chiffre d’affaires global, qui est de 4 milliards de dollars US, avec 29 millions de clients. En octobre 2003, la société devient bénéficiaire pour la première fois depuis ses débuts huit ans plus tôt. Amazon lance aussi un service de recherche plein texte (Search Inside the Book) sur le texte intégral de 120.000 titres, tout comme son propre moteur de recherche A9.com sur le web (avec un succès mitigé pour ce dernier, contrairement aux autres initiatives).

En 2004, le bénéfice net d’Amazon est de 588 millions de dollars US, dont 45% généré par ses filiales, avec un chiffre d’affaires de 6,9 milliards de dollars US. Présent dans sept pays (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, France, Japon, Chine) et devenu une référence mondiale du commerce en ligne, Amazon fête ses dix ans d’existence en juillet 2005, avec 9.000 salariés et 41 millions de clients attirés par des produits culturels, high-tech et autres à des prix attractifs et une livraison en 48 heures maximum dans les pays hébergeant une plateforme Amazon.

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