Le gaélique écossais est la langue celte traditionnellement parlée en Écosse. D'après le recensement de 2001 (les chiffres du recensement de 2011 ne sont pas encore disponibles), moins de 60.000 personnes parlent le gaélique, soit un peu plus de 1% de la population de l'Écosse, et 92.000 personnes comprennent la langue. Ces chiffres sont très inférieurs à ceux du recensement de 1901, avec 200.000 personnes parlant le gaélique, soit 4,5% de la population.
Si l'Atlas de l'UNESCO des langues en danger dans le monde classe le gaélique comme une langue «sérieusement en danger», cela n'a pas toujours été le cas. Pendant de nombreux siècles, tout le monde parle gaélique en Écosse et en Irlande. Les deux contrées sont à la proue du monde académique en Europe et diffusent tous leurs écrits en gaélique. Au fil des siècles, l'anglais devient peu à peu la langue dominante, y compris sur les îles occidentales écossaises, malgré la présence du gaélique écossais en tant que première langue communautaire. La renaissance de la culture gaélique date du début du 19e siècle, sous forme de poésie, de prose et de musique. Entre les deux guerres mondiales, la radio diffuse les informations en gaélique et on apprend la langue à l'école. De nos jours, davantage de romans sont publiés en gaélique qu'à toute autre époque. Radio nan Gàidheal émet en gaélique depuis les années 1980 et la chaîne de télévision ALBA depuis le début des années 2000. Toutes deux sont présentes sur le web, ce qui a boosté leur audience.
Depuis la fin des années 1990, les jeunes peuvent suivre un cursus entièrement dispensé en gaélique, dans toutes les matières, de la maternelle à l'université. La principale université estSabhal Mòr Ostaig, située sur l'île de Skye.Caoimhín Ó Donnaíle y enseigne l'informatique et dispense ses cours en gaélique écossais, comme les autres professeurs. Il est également le webmestre du site de l'université, un site trilingue (gaélique écossais, gaélique irlandais, anglais) qui se trouve être la principale source d'information mondiale sur le gaélique écossais. De plus, Caoimhín co-fonde la liste de diffusionGAELIC-L dès 1989. Les archives de cette liste incluent des messages sur plus de vingt ans et donc des millions de mots en gaélique écossais, en irlandais et en mannois (langue de l'île de Man) qui sont maintenant une véritable mine à la disposition des linguistes et des chercheurs.
Caoimhín explique en mai 2001 : « Nos étudiants utilisent un correcteur d'orthographe en gaélique et une base terminologique en ligne en gaélique. (...) Il est maintenant possible d'écouter la radio en gaélique (écossais et irlandais) en continu sur l'internet partout dans le monde. Une réalisation particulièrement importante a été la traduction en gaélique du navigateur Opera. C'est la première fois qu'un logiciel de cette taille est disponible en gaélique,» avec une nouvelle version traduite fin 2010 par Michael Bauer.
Sur le site de l’université, Caoimhín tient également à jour la page European Minority Languages, une liste de langues minoritaires elle aussi trilingue, avec classement par ordre alphabétique et par famille linguistique. Selon lui, «en ce qui concerne l’avenir des langues menacées, l’internet accélère les choses dans les deux sens. Si les gens ne se soucient pas de préserver les langues, l’internet et la mondialisation qui l’accompagne accéléreront considérablement la disparition de ces langues. Si les gens se soucient vraiment de les préserver, l’internet constituera une aide irremplaçable.»
L'application de Firefox qui permet de changer l'interface de l'anglais au gaélique est utilisée quotidiennement par 500 usagers depuis 2011. Outre Opera, plusieurs logiciels open source sont disponibles en gaélique, grâce au travail inlassable deMichael Bauersur son temps libre, preuve qu'une seule personne peut faire beaucoup pour sa communauté linguistique. Traducteur indépendant, Michael est aussi correcteur, formateur, chercheur et micro-éditeur de livres en gaélique. Il est l'auteur de laversion gaéliquede Firefox (lancée en 2010), du correcteur d'orthographeAn Dearbhair Beag (avec Kevin Scannell) et des versions gaéliques deThunderbird(messagerie de Mozilla) et de Lightning (calendrier de Mozilla). Michael est également l'auteur de la version gaélique du jeuFreeciv(version open source de Civilisation), de la version gaélique duVLC Media Playeret de la version gaélique deAccentuate.us, logiciel qui permet d'insérer automatiquement les accents dans une centaine de langues. Toujours par les soins de Michael, OpenOffice(dans une version ancienne) et LibreOffice (dans une version de 2011) sont disponibles en gaélique. Wikipédia a sa version gaélique,Uicipeid. Google a une interface en gaélique depuis 2001, mais Google Docs ne propose pas de version gaélique. Facebook n'est pas disponible en gaélique, mais le gaélique y est très présent et de nombreux usagers utilisent l'interface en anglais, les langues étant différentes mais compréhensibles d'une communauté linguistique à l'autre. C'est également le cas sur Twitter.
Qu'en est-il des dictionnaires? Le gaélique écossais dispose de trois grands dictionnaires en ligne. Le premier estStòr-dàta, un dictionnaire en ligne géré par l’Université Sabhal Mòr Ostaig, qui est surtout une liste de mots. Le deuxième est leDwelly, le fameux dictionnaire gaélique datant de 1911, qui est au gaélique ce que l'Oxford English Dictionary (OED) est à l'anglais. Cette version numérisée de grande qualité a demandé dix ans de travail à Michel Bauer, avec l’aide de son collègue Will Robertson. Le troisième est Am Faclair Beag, qui signifie «petit dictionnaire» mais qui est en fait un vaste dictionnaire regroupant le Dwelly de 1911 et des données plus modernes, toujours grâce au patient travail de Michael et Will.
Comme on le voit, le mouvement open source est fondamental pour la diffusion du gaélique et de nombreuses langues minoritaires, et le web est un vecteur majeur pour la revitalisation d'une langue, avec actualités, télévision, radio, logiciels, outils linguistiques, listes de diffusion, accès aux services les plus divers, le tout porté par une communauté linguistique tout aussi active hors ligne. Il est donc inutile de pleurer l'hégémonie de l'anglais (ou du français dans le cas d'autres langues minoritaires). Mieux vaut agir pour sa propre communauté linguistique. C'est ce que font Michael, Caoimhín et bien d'autres. Et les projets ne manquent pas. D'après Michael, une archive en ligne serait très utile pour tous les projets de localisation, avec une mémoire de traduction commune, ce qui éviterait de devoir retraduire indéfiniment les mêmes termes et segments de phrase. Si les traductions de logiciels pouvaient être faites à partir du même site, par exemple un genre de méta-Pootle, tout le monde en serait bénéficiaire, non seulement pour le gaélique mais pour l'ensemble des langues minoritaires.