Le livre 010101 (1971-2015)

Le projet @folio, baladeur de textes «ouvert»

Résumé

Conçu dès octobre 1996 par Pierre Schweitzer, architecte designer à Strasbourg (Alsace), le projet @folio se définit comme un baladeur de textes ou encore comme un support de lecture nomade permettant de lire des textes glanés sur l'internet. De petite taille, il cherche à mimer, sous forme électronique, le dispositif technique du livre, afin d'offrir une mémoire de fac-similés reliés en hypertexte pour faciliter le feuilletage. Pierre Schweitzer est aussi l'auteur du logiciel Mot@mot, un logiciel permettant de «découper» mot à mot les pages scannées du livre pour remise en page sur un écran de petite taille. Afin de développer @folio et Mot@mot, Pierre fait valider un brevet international en avril 2001 puis crée la start-up française iCodex en juillet 2002.

Pierre Schweitzer explique en janvier 2001: «@folio est un baladeur de textes, simple, léger, autonome, que le lecteur remplit selon ses désirs à partir du web, pour aller lire n’importe où. Il peut aussi y imprimer des documents personnels ou professionnels provenant d’un CD-ROM. Les textes sont mémorisés en faisant: "imprimer", mais c’est beaucoup plus rapide qu’une imprimante, ça ne consomme ni encre ni papier. Les liens hypertextes sont maintenus au niveau d’une reliure tactile. (...) Le projet est né à l’atelier Design de l’École d’architecture de Strasbourg où j’étais étudiant. Il est développé à l’École nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg avec le soutien de l’ANVAR-Alsace. Aujourd’hui, je participe avec d’autres à sa formalisation, les prototypes, design, logiciels, industrialisation, environnement technique et culturel, etc., pour transformer ce concept en un objet grand public pertinent.»

Pierre Schweitzer est aussi l'auteur du logiciel Mot@mot, un logiciel permettant de «découper» mot à mot les pages scannées du livre. Le but est d’obtenir une chaîne d'images-mots liquide qu'on peut remettre en page aussi facilement qu'une chaîne de caractères pour lire le texte sur un écran de petite taille.

Pierre Schweitzer explique à la même date: «La plus grande partie du patrimoine écrit existant est fixé dans des livres, sur du papier. Pour rendre ces œuvres accessibles sur la toile, la numérisation en mode image est un moyen très efficace. Le projet Gallica en est la preuve. Mais il reste le problème de l'adaptation des fac-similés d'origine à nos écrans de lecture aujourd'hui: réduits brutalement à la taille d'un écran, les fac-similés deviennent illisibles. Sauf à manipuler les barres d'ascenseur, ce qui nécessite un ordinateur et ne permet pas une lecture confortable. La solution proposée par Mot@mot consiste à découper le livre, mot à mot, du début à la fin (enfin, les pages scannées du livre...). Ces mots restent donc des images, il n'y a pas de reconnaissance de caractères, donc pas d'erreur possible. On obtient une chaîne d'images-mots liquide, qu'on peut remettre en page aussi facilement qu'une chaîne de caractères. Il devient alors possible de l'adapter à un écran de taille modeste, sans rien perdre de la lisibilité du texte. La typographie d'origine est conservée, les illustrations aussi.»

Afin de développer le projet @folio et le logiciel Mot@mot, Pierre Schweitzer fait valider un brevet international en avril 2001, puis crée la start-up française iCodex en juillet 2002. Cinq ans plus tard, en janvier 2007, il poursuit patiemment sa croisade pour promouvoir son projet. «Il s’agit d’offrir un support de lecture efficace aux textes qui n’en ont pas, ceux qui sont accessibles sur le web. Avec @folio, je reste persuadé qu’un support de lecture transportable qui serait à la fois simple et léger, annotable et effaçable, à bas coût, respectueux de la page et de nos traditions typographiques, pourrait apporter un supplément de confort appréciable à tous les usagers du texte numérique. Une ardoise dont on pourrait feuilleter l’hypertexte à main nue, en lieu et place de l’imprimante...»

En quoi la technologie utilisée est-elle différente de celle des tablettes présentes sur marché? Pierre explique en août 2007 : «La technologie d'@folio est inspirée du fax et du classeur à onglets. La mémoire flash est imprimée comme Gutenberg imprimait ses livres. Ce mode fac-similé ne nécessite aucun format propriétaire, il est directement lisible à l’œil nu. Le fac-similé est un mode de représentation de l'information robuste, pérenne, adaptable à tout type de contenu (de la musique imprimée aux formules de mathématique ou de chimie) sans aucune adaptation nécessaire. C'est un mode de représentation totalement ouvert et accessible à tous: il supporte l'écriture manuscrite, la calligraphie, les écritures non alphabétiques, et le dessin à main levée, toutes choses qui sont très difficiles à faire à l'aide d'un seul outil sur un ordinateur ou un "ebook" classique. Cette conception technique nouvelle et très simplifiée permet de recueillir une grande variété de contenus et surtout, elle permet un prix de vente très raisonnable (100 euros pour le modèle de base) dans différentes combinaisons de formats (tailles d'écran) et de mémoire (nombre de pages) adaptées aux différentes pratiques de lecture.»

Outre cette technologie novatrice, quel serait l'avantage de la lecture sur @folio? «La simplicité d'usage, l'autonomie, le poids, le prix. Quoi d'autre? La finesse n'est pas négligeable pour pouvoir être glissé presque n'importe où. Et l'accès immédiat aux documents - pas de temps d'attente comme quand on "allume" son ordinateur portable: @folio ne s'allume jamais et ne s'éteint pas, la dernière page lue reste affichée et une simple pression sur le bord de l'écran permet de remonter instantanément au sommaire du document ou aux onglets de classement.»

À la même date, en août 2007, la revue en ligne anglophone TeleRead fait l'éloge du projet @folio dans son article Pierre Schweitzer's Dream (Le rêve de Pierre Schweitzer). Plusieurs spécialistes anglophones, et non des moindres (Paul Biba, David Rothman, Mike Cook, Ellen Hage), rendent hommage à la persévérance de Pierre en espérant voir son projet commercialisé un jour. Mais les souhaits – aussi sincères soient-ils – ne remplacent pas les offres de financement.

Plus généralement, quelles sont les perspectives de la lecture numérique? Pierre Schweitzer écrit en décembre 2006: «La lecture numérique dépasse de loin, de très loin même, la seule question du "livre" ou de la presse. Le livre et le journal restent et resteront encore, pour longtemps, des supports de lecture techniquement indépassables pour les contenus de valeur ou pour ceux dépassant un seuil critique de diffusion. Bien que leur modèle économique puisse encore évoluer (comme pour les "gratuits" la presse grand public), je ne vois pas de bouleversement radical à l’échelle d’une seule génération. Au-delà de cette génération, l’avenir nous le dira. On verra bien. Pour autant, d’autres types de contenus se développent sur les réseaux. Internet défie l’imprimé sur ce terrain-là: celui de la diffusion en réseau (dématérialisée = coût marginal nul) des œuvres et des savoirs. Là où l’imprimé ne parvient pas à équilibrer ses coûts. Là où de nouveaux acteurs peuvent venir prendre leur place.

Or, dans ce domaine nouveau, les équilibres économiques et les logiques d’adoption sont radicalement différents de ceux que l’on connaît dans l’empire du papier - voir par exemple l’évolution des systèmes de validation pour les archives ouvertes dans la publication scientifique ou les modèles économiques émergents de la presse en ligne. Il est donc vain, dangereux même, de vouloir transformer au forceps l’écologie du papier - on la ruinerait à vouloir le faire! À la marge, certains contenus très spécifiques, certaines niches éditoriales, pourraient être transformées - l’encyclopédie ou la publication scientifique le sont déjà: de la même façon, les guides pratiques, les livres d’actualité quasi-jetables et quelques autres segments qui envahissent les tables des librairies pourraient l’être, pour le plus grand bonheur des libraires. Mais il n’y a là rien de massif ou brutal selon moi: nos habitudes de lecture ne seront pas bouleversées du jour au lendemain, elles font partie de nos habitudes culturelles, elles évoluent lentement, au fur et à mesure de leur adoption (= acceptation) par les générations nouvelles.»

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